Situation préoccupante de l’enseignement en Informatique dans l’Enseignement Supérieur Français

Motion votée par le CA de Specif Campus le 22 avril 2021.

Le numérique guide désormais le monde : notre existence est de plus en plus liée à l’utilisation de logiciels, qui sont là pour faciliter notre quotidien, voire sauver des vies. Cependant, certains usages—plus malveillants—peuvent aussi viser à nous surveiller, nous catégoriser, prédire nos comportements, nous influencer… La France a plus que jamais besoin d’informaticiens qualifiés pour maîtriser son avenir numérique !


Le monde socio-économique a aussi un besoin de plus en plus pressant de ces informaticiens. Pour preuve, il n’y a aucun problème d’employabilité pour les jeunes diplômés titulaires d’un Master en Informatique [1]. Depuis les IUT, jusqu’aux cursus de Licence / Master ou aux formations dispensées dans les écoles d’ingénieur, c’est en formant des informaticiens sur son propre territoire avec des formations de qualité que la France pourra espérer conserver sa souveraineté numérique.


De plus, l’année 2021 est —à de nombreux égards— symbolique pour la discipline Informatique. Il s’agit tout d’abord de la première année d’inscription de lycéens ayant suivi une formation en Informatique au lycée. La création de l’option Informatique au lycée (Numérique et Sciences Informatiques) est le résultat d’un long processus, dans lequel la Société Informatique de France (SIF) a eu un rôle moteur ; son existence parmi les douze options possibles dans le nouveau bac est une marque indéniable de légitimité de la discipline Informatique dans notre société et de son intérêt pour l’éducation des prochaines générations. Cette année marque aussi  la création de l’agrégation d’Informatique qui, faisant suite à la création du CAPES d’Informatique il y a 2 ans, acte indéniablement la reconnaissance de l’Informatique comme une discipline fondamentale.


Dans ce contexte de priorité nationale, il est absolument incompréhensible que des politiques de non-reconduction de postes contribuent à fragiliser l’offre de formation en Informatique au sein de nos universités publiques, limitant délibérément l’accès à ces compétences d’avenir pour le plus grand nombre.


Pour exemple, nous avons été interpelés il y a quelques jours par la situation de nos collègues de l’IUT de Nice. Faute de moyens humains, l’équipe pédagogique devrait réduire le nombre de places en première année de BUT informatique (48%). L’équation est simple : il faut assurer 5600h d’enseignement en informatique, alors qu’à la rentrée 2021, le service statutaire de l’équipe pédagogique couvrira au maximum 1833h d’enseignement [2]. 33% de couverture des enseignements par des personnels titulaires constitue une situation insoutenable !


Cet état de fait n’est malheureusement pas limité à l’IUT. Des problèmes existent aussi à la Faculté des Sciences et Ingénierie et à Polytech Nice Sophia. À la Faculté des Sciences et Ingénierie, les heures complémentaires assurées par les personnels permanents représentent 11 ETP. A Polytech Nice Sophia, ce sont aussi l’équivalent de 11 ETP [2] qui sont assurés, en plus de leur service normal, par les permanents, pour couvrir les besoins en informatique des différentes formations. Et 4 départs en retraite sont prévus d’ici 2022 pour cette composante.


Cette situation fortement dégradée qui – outre Nice – affecte également de nombreuses autres universités françaises, est en partie la conséquence de départs en retraite non remplacés dans l’établissement. Depuis la LRU, toutes les universités font face au même problème : une dotation fixe, une masse salariale qui ne peut excéder 83% de la dotation, et ce malgré le Glissement Vieillesse Technicité (GVT). De ce fait, les départs en retraite ne sont plus systématiquement remplacés depuis plus de 10 ans dans tous les établissements. Il est alors nécessaire de recourir à de plus en plus de vacataires pour assurer les enseignements. En Informatique, il est difficile de trouver de tels vacataires, notamment pour enseigner dans les premières années d’études.


Par cette motion, Specif Campus souhaite apporter son sincère soutien aux collègues informaticiens de l’Université Nice Côte d’Azur, mais aussi de toutes les composantes de l’ESR touchées par cette situation préoccupante. Specif Campus appelle les instances dirigeantes à prendre conscience du seuil désormais critique atteint par les équipes pédagogiques partout en France et l’impérieuse et urgente nécessité d’investir massivement dans le recrutement d’enseignants-chercheurs au sein de la discipline Informatique.

Sources :

[1] https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Enquet_diplomes_universites/30/4/tableaux_synthese_master_2019_1218304.pdf
[2] Motion du département informatique de l’IUT de Nice

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